Le Premier ministre a présenté jeudi soir la stratégie française de vaccination, en insistant sur la «transparence» du processus.

Vacciner les Français en masse pour ne pas avoir à renouer avec un reconfinement, «cette impression de jour sans fin», selon l’expression d’Emmanuel Macron, synonyme de désastre sanitaire et économique. Le défi est de taille au regard de la réticence d’une bonne moitié de Français dont attestent les sondages. Jeudi, entouré de plusieurs de ses ministres, Jean Castex est donc monté au créneau pour rappeler l’enjeu et restaurer la confiance. Son leitmotiv : répondre autant que possible aux interrogations actuelles et à venir. «Je m’engage à ce que durant toute la campagne de vaccination, toute la transparence, toute la pédagogie soient faites sur les décisions que nous prendrons et sur l’organisation que nous mettrons en place», a-t-il insisté. Pour obtenir l’adhésion du corps social, le Premier ministre se convertit même au jeu collectif.

Si le pilotage de la stratégie vaccinale reste à la main du ministre de la Santé, Olivier Véran, Castex annonce l’installation à ses côtés d’un conseil d’orientation de la stratégie vaccinale. La présidence de cette structure ad hoc, composée d’experts, de professionnels de santé, et de représentants de collectivités territoriales et d’associations de patients, est confiée au professeur Alain Fischer, immunologiste et chercheur en biologie réputé. Les élus ne sont pas oubliés : courant décembre, le gouvernement présentera sa stratégie vaccinale au Parlement. En parallèle, il va revenir au Conseil économique social et environnemental d’animer le débat citoyen autour de la conception de la stratégie vaccinale. «La vaccination ne sera pas obligatoire, a rappelé le Premier ministre. c’est le choix de la confiance… mais il faut que nous soyons les plus nombreux possibles à nous faire vacciner.»

Traçabilité

A défaut de pouvoir lever les incertitudes scientifiques qui entourent les vaccins, Castex rassure sur ce qu’il peut. Par exemple, le sérieux des procédures précédant leur déploiement sur le territoire national. «Nous ne démarrerons rien sans l’avis préalable de la Haute Autorité de santé (HAS) sur chacun des vaccins, et les personnes vaccinées seront suivies dans le cadre d’un dispositif renforcé de pharmacovigilance et de traçabilité, martèle-t-il. Si un vaccin est autorisé, c’est au terme d’une procédure rigoureuse d’essais et d’évaluations conduits par des autorités sanitaires indépendantes.»

Coopération européenne oblige, une fois le vaccin autorisé par l’agence européenne du médicament (qui devrait se prononcer pour Pfizer/BioNtech et Moderna «en toute hypothèse avant le 29 décembre») mais aussi par les autorités sanitaires françaises, le Premier ministre l’affirme : la France n’aura pas à jouer des coudes pour en disposer. Les premières doses lui seront livrées au même moment que ses partenaires. Agnès Pannier-Runacher, la ministre de l’Industrie, insiste sur ce point, expliquant que «la répartition des doses se fera au prorata de la population des pays» et donc que «15% des doses livrées à l’union européenne seront pour la France». Plus précisément, elle devrait disposer de 200 millions de doses, soit de quoi vacciner 100 millions de personnes. Il en coûtera 1,5 milliard d’euros aux finances publiques (dans le budget de la Sécurité sociale pour 2021) mais, pour les citoyens, la vaccination sera gratuite.

Trois étapes

Les livraisons de vaccins devant s’échelonner en trois étapes au cours de l’année 2021, la vaccination concernera d’abord, entre «janvier et février», les publics les plus vulnérables et les plus susceptibles de développer des formes graves de Covid. Soit un million de Français. En la matière, le gouvernement se conforme aux recommandations formulées lundi par la Haute Autorité de santé (HAS), «fondement de la feuille de route» du gouvernement, a insiste Olivier Véran. La priorité est donnée aux quelque 750 000 personnes âgées résidant dans des structures d’hébergement collectif, qui concentrent un tiers des décès depuis le début de l’épidémie. Les 100 000 professionnels vulnérables qui s’en occupent sont aussi concernés. Selon le ministre de la Santé, l’approvisionnement des doses pour les plus de 10 000 établissements collectifs d’hébergement de personnes âgées, s’opérera par deux circuits «complémentaires pour plus de sécurité», à savoir les pharmacies référentes (dites aussi «pharmacies à usage intérieur») ainsi qu’une centaine d’établissements hospitaliers. Un circuit logistique que le gouvernement souhaite «tester à blanc» lors de la deuxième quinzaine de décembre. 

 A LIRE AUSSI
Vaccins anti-Covid : en janvier, ça va (un peu) piquer

Ensuite, «à partir de mars», la vaccination sera élargie à 14 autres millions de Français «présentant un facteur de risques lié à l’âge ou ayant une pathologie chronique», soit les plus de 75 ans, puis les plus de 65 ans. En parallèle, les professionnels du secteur de la santé et du médico-social, ayant plus de 50 ans et présentant des comorbidités pourront aussi se faire vacciner. Ce n’est qu’à compter «du printemps» que les doses seront élargies progressivement à l’ensemble de la population afin que le pays bascule vers une «vaccination de masse», selon les mots d’Olivier Véran.

La stratégie vaccinale prend forme. Toutefois, le professeur Alain Fischer, dernier venu dans le dispositif, ne nie pas qu’il reste beaucoup trop d’inconnus pour lever les doutes. «La vaccination représente un espoir énorme, reconnaît l’immunologiste présent jeudi auprès du Premier ministre, mais je voudrais néanmoins vous indiquer une notion de prudence.» Car si le scientifique se dit volontiers «surpris par la bonne qualité des résultats» de Pfizer/BioNtech, Moderna et Astra Zeneca (ce dernier présentant néanmoins «encore quelques incertitudes»), et même «impatient» d’en attendre les publications scientifiques, il pointe aussi les inconnues restantes. «Le recul à ce jour sur l’évaluation de la sécurité et l’efficacité de ces vaccins ne dépasse pas deux à trois mois», avertit-il, indiquant par ailleurs que les données ne sont pas non plus «assez complètes» pour savoir «jusqu’à quel point ces vaccins sont efficaces chez les personnes les plus fragiles» et s’ils auront un effet sur la transmission du virus.

A LIRE Le vaccin de Moderna sera produit à Monts, confirme la ministre de l’Industrie

Sur ce dernier point, si les «données futures» vont dans ce sens, Olivier Véran a expliqué que le pays passerait d’une «stratégie centrée sur la réduction des formes graves à une stratégie de controle de l’épidémie en population générale». Des projections encore bien lointaines. «Au cours des prochains mois, le vaccin ne changera pas fondamentalement le cours de l’épidémie», a préféré avertir le ministre.

Crédit : Liberation.fr